Les pavés Usine sont une série de pavés récurrents sur le 18-25. Usuellement écrits à la première personne, ils sont en général le récit d'une journée de travail type à l'usine de leur auteur, présentée sous un jour très négatif. Ils s'inscrivent dans un thème global cher au forum de l'aliénation engendrée par le travail et plus particulièrement le salariat.

Versions les plus communes

Exemple 1

3h30 je me réveille   Enfin plutôt, je sors de mon lit après une nuit blanche grâce aux chances d'en bas, et à mon incapacité à m'endormir quand je commence tôt   Le mal de ventre et la digestion de la veille m'empêchent d'avaler plus qu'un jus d'orange, que je bois en comatant sur mon balcon   Pourquoi se lever? Pourquoi travailler?   Je sors de chez moi, dehors il fait encore nuit, pas une voiture, seul demeure le bruit de ces saloperies de piafs et des 2000 qui font la fête dans un appartement proche du mien. https://www.youtube.com/watch?v=5OAysfkcMjg L'un d'eux me voit depuis son balcon, il crie très fort.   "wech cousin comment vas tu?" https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png "..." "EHH frerot je te parle" https://image.noelshack.com/minis/2019/43/6/1572110955-20191026-003919.png derrière lui, j’entends des rires   "hihihihi"   "hahaha"

Je les ignore, et je monte dans l'épave qui me sert de voiture et qui ne passera surement pas le contrôle technique de cette année. Je n'ai pas les moyens de la faire réparer, le voyant moteur est toujours allumé, les garagistes s'en tapent.   Heureusement, le trajet est court. Derrière moi, un collègue daron me colle et me fait des appels de phare. Il est pressé d'aller se faire exploiter, pas moi. Je respecte les limitations, même à cette heure   J'arrive sur le parking, le collègue qui me suivait me harangue "  "euuh t'avance pas lo il y a personne sur la route faut rouler gamin" Dans les vestiaires. L'odeur d'égout des douches me soulève le cœur. Sur les casier de mes collègues, des autocollants "jacquie et michel" ou "yamaha racing team" https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Le temps de me changer, d'enfiler mes chaussures de sécu et mon bleu de travail et je cours vite au lieu de rassemblement. Mon chef s'y trouve déjà. Avant de m'attribuer mon travail du jour, il se fendra d'une petite réflexion.   "tu as le droit de sourire celestin!"   "..." Quand le travaille commence, mon cerveau passe automatiquement sur off, et la fonction "on" a de plus en plus de mal a revenir au fur et à mesure que passent les mois dans l'usine   Dans l'usine, c'est un bruit constant de machines, de meules et de klaxons de ponts roulants assourdissants. Au milieu de ce vacarme, mes collègues communiquent avec des cris étranges quand ils se croisent   "BEUUUUH!"   "BOUUUUARRRGH!!!" Quand la sonnerie de la pause retentit, je m'assois dehors avec quelques collègues. Le café me brule l'estomac, je n'ai pas faim et la banalité des conversations me fatigue encore plus. Elles sont seulement interrompues quand les 10/10 des bureaux arrivent   "bonjour messieurs"   https://image.noelshack.com/minis/2018/18/1/1525116650-1521408136-quatre.png   "bonjour!" Un jeune cadre des bureaux arrive pour nous parler, il a le teint frais et a l'air en parfaite santé. Son dos est musclé par les coups de reins qu'il distribue aux 10/10 de son service à longueur d'année.   "La distanciation sociale, messieurs. Respectez les geste barrières, s'il vous plait. Vous n’êtes pas à deux mètres. "       "Oui monsieur." Dans la matinée, il enverra un mail à mon chef pour se plaindre. Je gratte deux minutes à la fin de la pause, elles passent à la vitesse de la lumière. Quand je reviens sur mon chantier, mon chef me regarde, puis regarde sa montre. Derrière son masque, je devine son air désapprobateur. https://image.noelshack.com/minis/2016/41/1476114198-picsart-10-10-05-42-30.png Les dernières heures sont un supplice indescriptible https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Mes pieds et mon dos me font un mal de chien https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Mais le pire, c'est ce phénomène que seul les jeans-usine peuvent connaitre https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png L'univers est régis par des lois immuables https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Permis ces dernières, il y a la façon dont la gravité influe sur la distorsion du temps https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Il n'y a pas que la gravité, je pense que les chercheurs devraient se concentrer sur les usines https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Chaque minute dure une heure, chaque heure dure une journée https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Quand vient la fin de la journée, je passe en mode ninja pour esquiver mon chef et arriver dans mon vestiaire en avance https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Dans la douche de l'usine, la même crotte de nez est collée au mur depuis 6 mois   L'odeur de moisissure de la serviette de bain restée trop longtemps dans mon casier me provoque un haut-le-cœur   Mes collègues, sachant que la journée est terminée, hurlent de plus belle sous leur douche "CRIEEEEE MON NOM CELESTIN !"   "BBBOUUUEUUUARRRRGH!!!"   Je sors de ma douche, et je m'habille le plus vite possible pour enfin quitter cet enfer. Une nouvelle odeur infame emplis le vestiaire, celle des gels douches et autres déodorants bon marché de mes collègues.   Je rentre enfin chez moi, mais malgré la fatigue, pas de sieste, sinon je n'arriverai pas à dormir   Malgré le fait que j'aie mon après-midi de libre, je glande sur jvc, toute mon énergie m'a quitté https://image.noelshack.com/minis/2018/01/6/1515260945-cerne.png Je sens mon âme se faire aspirer petit à petit par l'usine   Je me met à pousser des cris tout seul, comme mes collègues   "BOUUEEEUUUH!" Enfin, quand je sors du vestiaire, je croise mon chef qui lui y retourne seulement "Et bien, tu n'est pas en retard cette fois ci Célestin"   Je ne profiterais pas de ma soirée, demain, il faut recommencer  

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Exemple 2

Après 30 minutes d'autoroute a me remettre en question sur mes choix de vie  

j'aperçois enfin les grandes cheminées qui recrachent leur fumée noir comme mon âme  

5 minutes pour trouver une place sur le parking , je récupère mon sac a dos , je salut le service de sécurité et je vais badger  

direction les casiers ou je croise patrick mon voisin de casier , 48 ans ( le physique d'un homme de 68 ans ) , deja 30 ans de carriere , une pension alimentaire sur le dos et une haleine de whisky  

je le salut , et j'enfile mon bleu de travail , les chaussures de securité et enfin le casque  

je me dirige vers la passerelle qui me conduit vers l'enfer des cuves en fusion , je crois l'equipe que je relève , ils ont tous le regard vide , traine des pieds , brisé par la fatigue et la depression , j'entend un " bon courage "  

j'arrive au briefing , je prend ma feuille de travail " merde aujourd'hui je suis a la coulée metal " j'enfile ma deuxième tenue et mon masque ventilé , environ 20 kilo sur le dos , il faut bien ca pour supporter les cuves a 1500 degrés  

je sors du briefing et je me dirige mon poste de travail , j'entend deja le bruit assourdissant des machines , je sens deja l'odeur des produits toxiques cancérigènes dégagées par les cuves

   

il est 6 heures , je me dirige vers la sortie , le regard vide je croise l'equipe qui me releve , et je lache un petit " bon courage "  

6H45 , je suis enfin dans mon lit , brisé , impossible de dormir a cause des acouphenes provoqués par cette enfer , l'odeur des gaz toxiques me font encore tousser , parfois j'ai des images de philippe qui est tombé dans une cuve de metal en fusion , les cris , je pense a karim qui a recu une plaque en metal de 3 tonnes sur les mains  

l'enfer

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Exemple 3

  "Hein euuuuuuh quoi quoi? ah merde... c'est l'heure... 3h35... l'usine"

Toujours seul, toujours puceau, toujours triste, personne à côté de moi dans ce grand lit. Je me réveille difficilement et j'allume la lumière dans ma chambre Lidl en bordel et puant le sperme. Je vire ma couette, assit sur le côté gauche du lit je me lève puis j'enfile un boxer célio et mon jogging, je descends dans la cuisine pour manger vite fait. Dehors il fait nuit noire et sûrement frais. Je vois ces abrutis de papillons de nuit attirés par la lumière, se poser sur les fenêtres. Ils sont vraiment cons ces insectes.

Je tremble à cause de la fatigue et de la fraîcheur de l'air, je me verse un café de la veille, je le passe au micro onde vite fait et je l'avale en 3 gorgées. Je mange 2 tranches de brioche et je vais dans la salle de bain.

Je me brosse les dents, il est 3h50, je me lave le visage mais avant ça je m'observe. J'observe ma gueule dépitée de puceau tardif bossant à l'usine. Je suis cerné, calvitié, j'ai aussi des marques rouges de la veille dues à de l'acné et à un rasage trop agressif. Je soupire et j'ai une grosse pression dans ma poitrine. Bon je taille. Évidemment je n'oublie pas mon sac d'usiniste. A l'usine tout le monde a un sac, souvent un sac kipsta éclaté ou un décathlon pas cher, à l'intérieur on y met le casse dalle, dans une boîte en plastique souvent. Je prépare le mien la veille, j'y mets toujours la même chose : un jambon beurre éco+, un sachet de chips Lidl, une brioche aux pépites de chocolat noir maître Jean-Pierre (cimer chef), une banane, une pomme. Quand je suis à l'usine j'ai tout le temps faim.

4h00 il est l'heure que j'y aille. Habitant dans le nord, il fait toujours moins de 15°C la nuit et j'ai donc froid, j'ai froid dehors, j'ai froid dans ma caisse. J'allume les feux et je démarre, je fous le chauffage à fond puis je roule tranquille direction l'usine, j'ai environ 8 minutes de trajet et je prends tout le temps la même route. Le chauffage souffle de l'air froid tout le long du trajet, il se réchauffe un peu juste avant l'arrivée sur le parking de l'usine.

Je ne roule ni vite ni lentement, des fois j'éteins mes feux et j'essaie de rouler à la lumière de la lune comme les truands dans les films mais je ne fais ça que 3 secondes car je ne vois vraiment rien. Une fois arrivé à l'usine je me gare puis j'arrive au tourniquet, je sors mon badge j'entre dans le site (tout est grillagé) puis je vais aux vestiaires. L'enfer commence. En général peu de gens disent bonjour. On s'en branle on veut juste que les 8 heures d'enfer se terminent le plus rapidement. Travaillant dans l'agro, je dois porter un pantalon en coton blanc ainsi qu'une veste en coton blanc. Je me dirige vers les cintres ou sont rangés les habits propres et comme d'habitude, rien à ma taille. Je suis de taille normale et de poids normal mais les habits à ma taille sont soit troués ou volatilisés, merci aux cons qui prennent 3 chemises et 3 pantalons puis qui les planquent dans leur casier. Du coup je me retrouve avec un futal qui traîne par terre et une chemise qui me sert de voile, je suis grotesque. J'ai aussi mes chaussures de sécurité bien sûr, inconfortables au possible et qui défoncent le dos.

Je passe devant les chiottes, je quitte les vestiaires puis je pointe. Prise de poste à 4h30 mais je dois arriver à 4h25 afin que le collègue avant moi me donne la relève. Souvent la journée se passe normalement, des fois c'est la merde et dans ce cas la je suis tout seul à gérer des pannes, des commandes à rattraper ou d'autres trucs chiants. Si je devais résumer mon travail ce serait : courir partout dans l'atelier et courir encore plus quand ça merde. Rien de plus. Je m'occupe de 4 lignes de production, je dois avoir l'oeil sur tout et à tout moment, parfois je fais de la manutention. C'est très chiant et aliénant, personne ne parle car il y a trop de bruit dans l'atelier. De toute façon de quoi parler et avec qui ? On parle souvent de la boucle sur ce forum mais la plus grosse boucle c'est l'usine et de loin. Les mecs qui viennent la tous les jours depuis des années sont atteints mentalement. Je les estime mais ils ont un grain. Certains n'ont qu'un seul sujet de conversation, leur jardin, leurs achats (la plupart sont de gros consuméristes), les voitures ou les jeux vidéos. Ça s'arrête la. Des fois on rencontre des gens intéressants et assez malins, on se demande comment ils ont pu atterrir ici, dans ce merdier. Les pires sont ceux qui ne parlent QUE de l'usine, c'est rare mais c'est le cas de certains, si on a le malheur de les rencontrer au café ou au supermarché, ils parleront des pannes, des commandes à venir, des erreurs commises par tel ou tel employé, de la conjoncture économique dans l'industrie agroalimentaire (des remarques qui ne viennent pas d'eux mais qu'ils répètent sans cesse et de jours en jours).

Du coup j'attends la pause, et je pense. Je pense énormément car c'est la seule chose à faire. Je pense à Karl Marx et au surtravail, je pense aux gamins dans les usines d'allumettes au XVIIIe siècle en Angleterre, je me dis que c'est pas si mal ici finalement. Puis je pense à mes collègues du lycée, certains sont ingénieurs, d'autres profs, d'autres sont partis en médecine et je me dis que je devrais en finir. Je pense à une fille en particulier qui est en 6e année de médecine. La question du déterminisme m'obsède et me terrifie. Et si j'avais fait si, si à ce moment là j'avais fait ça est ce que j'aurais pu ...? Souvent je me dis, non. Trop pauvre, trop moche, trop faible, trop con, trop prolo. J'aurais pu lancer les dés 100 fois de suite j'aurais tout de même fini ici dans cette usine atroce, et elle aurait toujours finie pédiatre et dans les bras de son bg 8/10.

8h20 je taille en pause. Mon poids a tendance à chuter dangereusement depuis que je suis à l'usine, alors je mange beaucoup contrairement à certains. Je me tape souvent des réflexions amicales des boomeurs matrixés "eh bah je t'emmènerai pas au resto avec moi!" ou encore "tu vas dormir tout à l'heure avec tout ce que tu manges". Je mange vite, je suis crevé, j'ai envie d'hurler et de pleurer. J'ai envie d'attraper mon voisin par le col, de le secouer et de lui dire "pourquoi on est la? Pourquoi on subit ça ??? C'est donc CA notre existence?"

Retour au boulot, rien de nouveau rien de surprenant, vivement midi trente que je me casse. Une fois l'heure arrivée je passe la relève à mon collègue, je lui souhaite bon courage et je taille, je me change en vitesse puis je sors. Lorsqu'il fait beau le soleil me fait mal aux yeux. J'arrive chez moi, je dois préparer à bouffer mais j'ai qu'une envie c'est de mourir sur mon canapé et c'est ce que je fais souvent, du moins jusqu'à 14h. Le reste de l'après midi je somnole, comme lors d'un réveil après une anesthésie générale. Des fois je vais faire les courses, le reste du temps je reste chez moi. Je suis trop crevé pour go muscu, je ne connais personne et n'ai personne dans ma vie. Le week end est identique à la semaine sauf que je suis moins fatigué. Le seul point intéressant est le fric, je gagne pas loin de 2k net par mois et je dépense peu : bouffe, clio de prolo, location de prolo, alcool et c'est tout. Du coup je fais comme mes collègues : je consomme. En ce moment j'achète des fringues, ça ne me sert à rien car je ne sors jamais, mais j'ai toujours aimé porter des vêtements qui me plaisent, alors j'achète. Lorsque je reçois un colis je me sens heureux et pendant 15 minutes j'oublie presque ma vie misérable d'usiniste dépressif. Le début de soirée est souvent alcoolisé, ça m'aide à m'endormir. Sous ma couette je rêve d'une autre vie ou d'un cataclysme nucléaire vaporisant toute forme d'existence sur Terre, puis je culpabilise, me disant que les autres n'ont pas une vie aussi merdique et méritent davantage de vivre que moi. C'est ainsi que se poursuit ma vie, plate et sans saveur, aliénante, frustrante et déprimante. C'est ainsi que fonctionne l'industrie. Demain ce sera pire.

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Le Pavé Histoire de rendre hommage à tous les kheys qui sont dans le cycle infernal de l'usine

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